- Un contexte patrimonial
- Une ressource naturelle
- Une pierre à plâtre
- Des usages dans le bâti
- Un matériau d’avenir
- Une filière locale
- Retour sur actions
La Provence est une région traditionnelle du plâtre, stimulée par l’abondance et la proximité du gypse, la facilité de son extraction et de son transport, la simplicité de sa fabrication, la rapidité de sa mise en œuvre, la polyvalence. Au-delà d’un contexte naturel favorable, le contexte économique, politique et culturel y a favorisé l’essor d’une culture du plâtre entre le Moyen Âge et l’époque moderne.
Le gypse, dans l’architecture rurale
Utilisé en Provence depuis le XIVe, le plâtre est désigné sous l’ancien terme de giperie. Se sentant libres de tirer profit des ressources de la nature, les habitants mettent en œuvre des procédés de fabrication rudimentaires pour produire un plâtre local qu’ils utilisent sur place. Les gypiers interviennent dans la modeste architecture rurale, maîtrisant aussi bien la fabrication du plâtre que sa mise en œuvre. Nombreuses sont les traces de leur intervention, dans les maisons de village, les bâtiments ou annexes agricoles, comme l’attestent les nombreux prix-faits (devis) établis entre les XVIe et XVIIIe siècle.
Ce plâtre de pays est utilisé dès le gros œuvre pour élever des murs entièrement assemblés au plâtre jusqu’aux enduits de finition des façades, dans l’encadrement des portes et fenêtres. On le retrouve au niveau des planchers, des escaliers, des sols et plafonds. Léger et facile à transporter, le plâtre est fréquemment utilisé dans les aménagements intérieurs des habitations, employé dans la confection des cloisons, des alcôves, des cheminées, des potagers carrelés, des placards.
Le gypse, dans l’art du décor
Un métier en évolution
Au XVIe siècle, apparaît une distinction entre le gipassier (producteur de plâtre) et le gipier, aussi appelé plâtrier (spécialiste de la maçonnerie et des décors). Gypserie est un terme typiquement provençal qui désigne les travaux d’ornementation réalisé in situ, consistant à appliquer du plâtre frais sur une esquisse, pour le modeler puis le ciseler.
La diffusion en France de la gypserie, du XVIe au XIXe siècle
Sous l’influence de travaux d’embellissement du château de Fontainebleau et ceux de Versailles, la diffusion des décors en plâtre essaime à l’échelle nationale et dans toute l’Europe entre le XVIe et XIXe siècle. Cela donne naissance à un nouveau goût en matière de décoration intérieure. Cette évolution entraîne une spécialisation de certains gypiers dès le milieu du XVIIe siècle, en milieu urbain, avec les métiers de sculpteur sur plâtre, d’ornemaniste, de stucateur. Ce foisonnement, spécifique tout d’abord à Paris, se communique aux provinces, avec un nouvel envol dans les régions traditionnellement utilisatrices de plâtre. À Aix-en Provence et en Provence, la généralisation de la décoration en plâtre touche non seulement les hôtels particuliers mais aussi les bâtiments publics ou la moindre demeure un peu cossue. Si la ville d’Aix reste une vitrine de par un nombre de réalisations esthétiques, de compétences et de techniques, on ne dénombre pas moins de 37 artisans-gypiers dans les archives notariales à Riez entre 1560 et 1630.
La gypserie, un signe de reconnaissance sociale
Après l’instabilité de la fin du XVIe siècle, la prospérité revient et voit l’avènement d’une élite (bourgeois, militaires, négociants) en soif d’affirmer son statut social. La gypserie se met ainsi au service du décor, pour mettre en valeur le goût et l’érudition des commanditaires, qui renouvèlent le décor de leurs nouvelles demeures, permettant ainsi au courant maniériste de s’imposer. L’art du gypier privilégie un décor riche en symboles, fait pour être vus de tous, en commençant par ceux des façades. Riez conserve de beaux exemples du XVIe siècle avec un habillage en plâtre qui imite la pierre. Le décor s’applique également dans le vestibule d’entrée, l’escalier central ou les pièces de réception. Les décorations de plafonds en plâtre gagnent salons, chambres et cabinets. Plafonds, balustres et cheminées vont être l’objet d’un décor foisonnant. La fin du XVIIe siècle, marquée par la généralisation des moulages fabriqués en atelier, donne naissance à un autre style à l’esthétique plus classique.